Le culte de saint Léonard se développe en Europe au Moyen-Age
La diffusion des vies de saint Léonard au Moyen-Age, Céline Cheirézy in Hagiographie et société : l'exemple de saint Léonard de Noblat
« Vers cette époque (début du XIè siècle) le saint confesseur saint Léonard en Limousin… se mit à se signaler par d’éclatants miracles, et de toutes parts, les peuples affluaient vers lui. »
Adhémar de Chabannes (mort en 1034)
Après sa parution, la « Vie de saint Léonard » se diffuse rapidement en dehors du Limousin, grâce aux monastères bénédictins puis cisterciens établis dans toute l’Europe. Saint Léonard est invoqué pour toutes les délivrances, mais particulièrement en ces périodes troublées du Moyen-Age, pour la libération des prisonniers.
Les Croisés de toutes nations vont alors servir de vecteurs à la diffusion du culte de saint Léonard, grâce à plusieurs de leurs chefs libérés après avoir prié Saint-Léonard, notamment: Bohémond d’Antioche, et Richard Coeur de Lion.
Le pèlerinage de saint Jacques de Compostelle est un autre mode de diffusion du culte de saint Léonard : en effet la via lemovicensis, une des voies empruntée depuis Vézelay, passe par Saint-Léonard de Noblat et de nombreux pèlerins viennent se recueillir sur le tombeau du saint avant de poursuivre leur route vers l’Espagne. Ils font connaître ainsi le long du parcours du pèlerinage, les bienfaits et les miracles attribués à saint Léonard.
Partout en Europe des églises ou des chapelles sont dédiées à saint Léonard, très nombreuses en Allemagne, en Italie, au Royaume Uni, en Autriche, et bien sûr en France.
Au XIIème siècle, l'évêque de Naumbourg (Bavière) , Waleran de Bamberg, vient à Saint- Léonard recopier la "Vita" et la diffuse dans son pays : on y recense plus de 200 paroisses dédiées à saint Léonard autour d'un lieu phare: Inchenhoffen.
En Italie, les Normands, installés après la première croisade en Italie du sud et en Sicile, contribuent à la création de nombreuses fondations (225 connues à ce jour).
Au Royaume Uni, la participation aux croisades de nombreux chevaliers et de leur roi Richard Coeur de Lion, duc d'Aquitaine, explique le nombre de dédicaces (plus de 180) de l'Ecosse à Saint Léonard de Stamford (1082) en passant par Norwich (1095), et Saint-Leonard-on-Sea près d'Hastings, avec abondance particulière d'hôpitaux de pélerins.
On retrouve le culte de saint Léonard du Limousin en Suède, en Pologne (dont la célèbre chapelle saint Léonard de la cathédrale de Cracovie où sont enterrés les souverains), aux Pays-Bas (Beek-en-Donk), en Belgique (Zoutleeuw), Sint-Lenaarts, Zuidschote), en Suisse (Bâle, Landschlacht, Saint-Léonard du Valais), en Autriche (Kundl), en Slovénie (60 lieux de culte), à Malte (Kirkop, Crypte de Sainte-Agathe), en Espagne (Zamora, San Leonardo (Soria)), au Portugal, en Sardaigne, en Hongrie et même outre-atlantique.
Certaines de ces églises sont entourées de chaînes, comme en Bavière ou en Slovénie. Ces chaînes, réalisation d'un voeu ou d'une action de grâce collective sont le plus souvent le résultat de la fonte de milliers d'ex-voto en fer apportés dans ces sanctuaires à l'autel saint Léonard.
En dehors de ces fondations, la dévotion envers saint Léonard s'est exprimée à travers des milliers d'oeuvres d'art, dont l'inventaire ne fait que commencer.
d'après Saint Léonard du Limousin, Connaissance et Sauvegarde de Saint-Léonard et Confrérie de saint Léonard
Carte des lieux dédiés à saint Léonard en Europe (Connaissance et Sauvegarde de saint Léonard 1995)
En 1760, dans son "Histoire de la vie et du culte de saint Léonard", l’Abbé Oroux, historien attentif au rayonnement de saint Léonard, recense 120
paroisses, monastères, hôpitaux, villes ou chapelles qui lui étaient dédiés dans divers pays (Allemagne, Suisse, Pologne, Écosse, Angleterre, Espagne, Italie, Pays-Bas, Flandre,
France..)".
Deux cents ans plus tard, en 1960, le chanoine Biossac, curé de saint Léonard, fait une recherche plus exhaustive des lieux de culte dédiés à saint Léonard en Europe. Son travail est repris et approfondi en 1994, par l’association Connaissance et Sauvegarde de Saint-Léonard qui élabore un catalogue et une carte présentant plus de 800 lieux dans près de 20 pays. (Saint Léonard et les chemins de l’Europe XIè-XVIIIè)
Aujourd’hui, ce travail d’enquête continue et s’enrichit régulièrement.
Les pélerins célèbres
Bohémond d'Antioche
Ecarté de la succession de Robert Guiscard, son père, à la tête du duché de Pouille et de Calabre, Bohémond s’empara du comté de Tarente, puis décida de rejoindre avec cinq cents chevaliers les rangs des croisés qui, à l’appel du pape Urbain II en 1096, partaient libérer la Terre sainte de l’emprise musulmane.
Capitaine aguerri et stratège redoutable, il devint l’un des chefs de la première croisade. Il s’empara par ruse d’Antioche le 3 juin 1098 après un siège mémorable et devint le prince Bohémond Ier d’Antioche. En lutte avec les Sarrasins et avec l’empereur de Byzance, Alexis Comnène, il fut finalement fait prisonnier par l’émir de Sivas en 1100.
Au cours de sa captivité Bohémond invoqua l’intercession de saint Léonard, patron des prisonniers.
Libéré au bout de trois ans, il rentra en France en 1104 pour chercher des renforts. Il se rendit à Saint-Léonard pour se recueillir sur le tombeau du saint et déposa des chaînes d’argent sur l’autel. Sa notoriété lui permit de faire connaître le culte de saint Léonard à la cour du roi de France Philippe 1er, dont il épousa la fille.
Pons de Léras
Vers 1130, Pons de Léras, gentilhomme de Lodève (Hérault) qui jusque là détroussait les voyageurs passant à proximité de son nid d'aigle dominant le village du Caylar, se repent, et entreprend pour pénitence avec six compagnons le pélerinage de saint Jacques de Compostelle. Leur itinéraire de retour les entraîne vers le Mont Saint Michel, Saint-Martin de Tours et Saint-Léonard de Noblat.
En 1132, il fonde dans le Rouergue un monastère qui est rattaché à l'ordre Cistersien et devient en 1136 l'abbaye de Sylvanès, dans l'Aveyron.
Charles VII
En 1422, Charles VII, roi de France, dont la dévotion à saint Léonard est très forte dote la ville de Saint-Léonard de lettres patentes et d'un certain nombre de privilèges "en considération de Monsieur saint Léonard auquel le roi s'est voué et recommandé à ce que, par les prières du benoit Saint, il put remettre son royaume en paix et être délivré de la guerre des Anglais"
Le 10 mars 1438 le roi, en visite à Limoges, se rend à Saint-Léonard de Noblat vénérer le tombeau du saint et fait remettre quelques années plus tard une châsse reliquaire.
Henri II de Bourbon, prince de Condé
Opposant farouche à la politique menée par la régente Marie de Médicis, mère de Louis XIII, roi de France, il fut arrêté et emprisonné au château de Vincennes de 1616 à 1619. Au cours de son séjour en prison il invoqua saint Léonard et après sa libération il vint le 5 octobre 1620 en pèlerinage à Saint-Léonard pour remercier le saint. Il offrit une somme de 100 écus qui fut employée à l'achat de deux chapes de velours ciselé à fond d'or (in Abbé Oroux)
Saint Gaucher
Originaire de Meulan (Yvelines), Gaucher vint se recueillir à Noblac vers 1068, et à l'imitation de saint Léonard, il se retira avec son compagnon Germond pendant 3 ans dans la solitude de la forêt de Chavagnac (Haute-Vienne), puis il rejoignit Humbert chanoine de Limoges, pour fonder un monastère dans la forêt d'Aureil (à quelques kilomètres de Saint-Léonard de Noblat), au lieu que lui indiquait une colombe.
Marc et Sébastien
Vers 1106, deux nobles vénitiens Marc et son neveu Sébastien, venus en pélerinage sur le tombeau de saint Léonard décidèrent de rester vivre en ermites en Limousin et bâtirent à quelques kilomètres à l'est de Saint-Léonard de Noblat au lieu dénommé l'Artige Vieille, un petit établissement comportant deux cellules et un petit oratoire. Peu à peu une communauté se forma dont ils devinrent les prieurs et qui appliqua la règle de saint Augustin.
A sa mort Marc fut proclamé bienheureux par le peuple.
En 1175, la communauté se transporta à l'Artige sur l'éperon dominant le confluent des rivières Vienne et Maulde.
Richard Coeur de Lion
Richard 1er Coeur de Lion, (Oxford 1157 - Chalus 1199), roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine, part pour la croisade en 1190 et débarque en Palestine en 1191 où il remporte des succès sur les Sarrazins. Apprenant que Philippe Auguste, roi de France, s'était allié avec Jean sans Terre, son frère rival, il décide de rentrer en Angleterre. mais sur le chemin du retour, il est fait prisonnier par l'empereur germanique Henri VI.
Après sa libération en 1193 grâce au versement par sa mère Aliénor d'Aquitaine d'une énorme rançon, il visite le tombeau de saint Léonard et fait relever les remparts de Noblac et son église.
Il entreprend ensuite de reconquérir les territoires normands pris par le roi de France puis d'assiéger en Limousin le chateau de Chalus-Chabrol appartenant à son vassal rebelle Aymar de Limoges. Il meurt en 1199, blessé par un carreau d'arbalète devant le chateau. Il repose aux côtés de sa mère dans l'abbaye de Fontevraud.
Vincent Aubrousse
Le 6 mai 1611, Vincent Aubrousse, natif d'Autun, fut capturé par les turcs à Ostie et conduit vers leurs vaisseaux pour être emmené en esclavage. Il pria saint Léonard et devint tout à coup si immobile que les Turcs ne purent le déplacer et le laissèrent sur place. Le pape Paul VI, informé de ce miracle, l'invita à se rendre à Noblac, ce qu'il fit le 22 février 1612.
d'après l'abbé Oroux "Histoire de la vie et du culte de saint Léonard du Limousin"
Anne d'Autriche (1601-1666)
Mariée en 1615 au roi de France Louis XIII, elle resta longtemps sans pouvoir donner de dauphin à la France. Elle invoqua saint Léonard dans l'église de Croissy-sur-Seine qui est consacrée à ce dernier. Pour permettre une issue heureuse à la grossesse qui s'annonçait, la reine se fit apporter une relique de saint Léonard et Louis XIV naquit en 1638. Anne d'Autriche fit alors un pèlerinage d'action de grâce à Croissy dont elle fit restaurer l'église. Elle fit aussi refaire la décoration de la chapelle saint Léonard de Notre-Dame de Paris.